Thu, Mar 26, 2020

Communication relative aux critères extra-financiers dans la commercialisation d’OPC grand public en France

Dans le prolongement des travaux de la commission finance durable, l’AMF a souhaité apporter des précisions sur le niveau de communication qu’il convient d’apporter aux investisseurs en matière de finance durable, dans l’objectif d’éviter toute dérive de greenwashing.

Le mot d’ordre : une communication proportionnée et justifiée

Par souci de protection des épargnants qui démontrent un intérêt grandissant pour la finance responsable, durable et éthique, on retiendra principalement qu’il convient de retenir une approche proportionnée dans la présentation qui leur est faite des critères extra-financiers.

Aussi, les sociétés de gestion qui souhaiteraient organiser la commercialisation de leurs organismes de placement collectif autour du thème central de la prise en compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance devront respecter un minimum d’exigences, développées ci-dessous:

  • S’assurer que des objectifs mesurables de prise en compte des critères extra-financiers figurent dans les documentations réglementaires (DICI, prospectus),
  • Ces objectifs devront permettre de différencier les approches entre elles et justifier d’un engagement significatif de l’acteur  dans la mise en œuvre de la politique d’investissement.

Pour la mise en conformité, le calendrier prévoit une application immédiate pour les nouveaux OPC et une date limite au 30 novembre 2020 pour les DICI d’OPC existants et au 10 mars 2021 pour leurs prospectus.

Rappel des stratégies ESG

Parmi les approches extra-financières répandues sur la Place, on peut distinguer:

Des approches positives dans lesquelles il s’agit de sélectionner des émetteurs sur la base de leur contribution positive en matière d’ESG, comparativement à leurs concurrents.

On y inclut des stratégies de type:

  • best in class - consistant à sélectionner et pondérer les émetteurs de chaque secteur sans exclusion de secteur a priori,
  • best in universe - visant à sélectionner selon une pondération appropriée les meilleurs émetteurs d’un périmètre choisi (l’univers de départ). Ainsi, on choisit les meilleurs émetteurs sans forcément chercher à ce que tous les secteurs soient représentés,
  • best efforts - où il s’agit de privilégier les émetteurs ayant consenti à réaliser le plus d’efforts en matière de développement durable. Les OPC ayant opté pour cette approche retiennent ainsi les émetteurs qui ont le plus progressé mais qui ne sont pas forcément les meilleurs de l’univers ESG.

Des approches négatives

reposant sur des stratégies d’exclusion de certains émetteurs, sur la base de critères ESG ou sur une base plus normatives, par exemple de non-respect de certaines conventions internationales (par exemple les conventions d’Ottawa ou d’Oslo relatives aux mines antipersonnel et aux bombes à sous-munition).

Les autres

  • de l’impact investing (ou littéralement  investissement à impact), principalement dans le monde non coté, où il s’agit d’investir dans des entreprises dont l’objet social contribue à résoudre des problèmes sociaux ou environnementaux, 
  • de l’engagement actionnarial visant à sélectionner des entreprises que la SGP s’engage à faire progresser, en encourageant par exemple les mesures allant dans le sens du respect de l’humain et de l’environnement, via le vote en assemblée générale, le dépôt de résolution et/ou le dialogue avec les émetteurs en portefeuille
  • de l’investissement thématique, dans des valeurs liées à l’eau, aux énergies renouvelables, aux droits humains
  • de l’intégration systématique de critères ESG dans la gestion financière.

Néanmoins, si l’on se réfère au label ISR français et au regard du marché, les pratiques les plus répandues restent celles en amélioration de note (prise en compte de critères extra-financiers consistant à améliorer la notation extra-financière moyenne de l’OPC par rapport à celle de l’univers investissable) et  en sélectivité  (prise en compte de critères extra-financiers consistant à sélectionner les meilleurs émetteurs de l’univers investissable sur la base de leur notation extra-financière et/ou exclure des émetteurs sur la base de caractéristiques extra-financières).

Quelles sont les nouvelles règles?

Ayant publié ces dernières années des rapports en matière d’investissement socialement responsable, l’AMF a à plusieurs reprises analysé la qualité et l’accessibilité des informations extra-financières et a insisté sur l’exigence de transparence auprès des investisseurs, arguant sur l’obligation de leur dispenser une information claire, exacte et non trompeuse. 

Dans ce contexte, la position publiée par l’AMF le 11 mars 2020 dispose que seuls les OPC qui respectent les points suivants peuvent faire des caractéristiques extra financières leur thème central de communication :

  • l’approche retenue est fondée sur un engagement, rédigé dans la documentation réglementaire, et comprenant des objectifs mesurables de prise en compte de critères ESG,
  • cet engagement doit être significatif, et décliné comme suit:
    • Pour les approches en amélioration de note: la note du placement collectif doit être supérieure à la note de l’univers d’investissement après élimination de minimum 20% des valeurs les moins bien notées ;
    • Approches en sélectivité: réduction au minimum de 20% de l’univers d’investissement.
    • Autres approches (y compris la combinaison d’approches susmentionnées): la SGP doit être en mesure de démontrer à l’AMF en quoi son approche est significative.

Le taux d’analyse doit être supérieur à 90%, soit en nombre d’émetteurs, soit en capitalisation de l’actif net de l’OPC, la proportion de l’actif non analysée demeurant négligeable.

En pratique

On retiendra que par cette position l’AMF interdit de facto la mise en avant commerciale du développement durable pour les fonds qui par exemple:

  • Ne font qu’exclure certaines activités controversées (tabac, armement, pornographie…),
  • Ne font que répondre aux obligations découlant de la ratification par la France des conventions d’Ottawa et d’Oslo, ce qui par ailleurs s’impose à toutes les SGP,
  • Se targuent d’exclure des états non coopératifs fiscalement.

Pour les autres, qui respecteraient les critères susmentionnés, il conviendra de respecter des bonnes pratiques rédactionnelles, alliant l’intégration des détails de prise en compte des critères ESG (type d’approche utilisée, synthèse du processus d’allocation et exemples) au souci de distiller une information claire et pondérée qui ne minimise pas les risques encourus.

Caractère extraterritorial

Aux fins d’assurer des conditions concurrentielles équitables, les OPCVM constitués sur le fondement d’un droit étranger et commercialisés auprès d’une clientèle grand public française se devront d’appliquer les mêmes règles, sans quoi un avertissement leur serait imposée attirant l’attention des prospects sur le fait que cet OPCVM présente, au regard des attentes de l’Autorité des marchés financiers, une communication disproportionnée sur la prise en compte des critères extra-financiers dans sa gestion.

Les OPC de droit français uniquement distribués à l’étranger ne sont, dans cette logique, pas concernés.

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